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Les stratégies Identitaires

 

L'identité comme stratégie

Le foisonnement de situations culturelles hétérogènes liées à l'accélération des échanges humains de masse (colonisation et/ou l'immigration) et le passage aux sociétés industrialisées de type occidental ont vu s'affaiblir les catégorisations sociales traditionnelles, avec les conséquences suivantes 112  :

- Les sujets peuvent imprimer d'avantages de variations individuelles en ce qui concerne la tenue des rôles sociaux, ces derniers n'étant plus aussi formalisés et rigides.
- Le choix de la catégorisation augmente, la part des groupes ou l'individu peut s'investir par soi-même s'accroissant par rapport à ceux où il est obligatoirement impliqué. « L'identification libre » se renforce donc relativement à « l'identification condition . »
- L'individu peut s'investir facilement dans des groupes de référence en dehors des groupes d'appartenance (la mobilité sociale, bien que limitée, aidant).
- Il y a un accroissement des identifications critiques aux dépens de l'identification fusionnelle, que l'on retrouve plus systématiquement dans « les groupements traditionnels (ou les sociétés traditionnelles au sens des anthropologues classiques). »

Tandis que, comme le note Camilleri, une culture fournit normalement à ses membres la cohérence entre les besoins pragmatiques et ontologiques de l'individu, elle ne remplit plus aussi aisément ce rôle en cas de bouleversement social et culturel, lorsque la migration, par exemple, apporte des modifications majeures entre les valeurs culturelles existantes et des disparités qui appellent de nouvelles stratégies cognitives pour réconcilier les codes culturels en présence.

Camilleri met ainsi en avant une différence entre le « soi idéal » et « l'identité réelle » des individus, différence dont les individus seraient conscients et qu'ils s'efforceraient de réduire, pour atteindre la cohérence nécessaire pour surmonter les modifications liées à l'acculturation 113 . Ils utilisent à cette fin toute une variété de « stratégies identitaires . »

En réponse à l'interculturation, l'individu va donc mettre en œuvre différentes stratégies identitaires, incessantes séries d'opérations visant également à corriger et maintenir un moi où l'on accepte de se situer et que l'on valorise. Camilleri 114 divisera les stratégies identitaires mises à l'œuvre par les individus ou les groupes victimes d'une dévalorisation de l'image qu'ils ont d'eux même en deux catégories :

- Les stratégies « syncrétiques », visant à considérer les représentations et les valeurs véhiculées par la culture et la religion comme étant à leur service personnel.
- Les stratégies « ontologiques » qui elles valorisent l'identité, le sens et les valeurs de l'individu ou du groupe.

Camilleri a formulé sa typologie autour de deux dimensions : Dans un premier temps, en mettant en avant la prévalence des préoccupations pragmatiques sur les préoccupations ontologiques (ou l'inverse), puis en mettant l'accent sur le niveau de cohérence recherché par le sujet, qui peut être plus ou moins élevé.

(Voir Tableau )

Camilleri « […] distingue la cohérence simple, caractérisant les sujets qui résolvent le problème de la contradiction objective par la suppression d'une des constatations contradictoires, et la cohérence complexe où l'on cherche à élaborer une formation capable d'assurer l'impression de non-contradiction apparente en tenant compte des éléments en opposition. 115 »

Les stratégies identitaires remplissent donc une double fonction 116 : Ontologique (idéal de soi, conservation de soi, …) et pragmatique (négociation de l'influence sociale, acceptation d'autrui,…) répondant respectivement à deux préoccupations fondamentales du sujet :

- La préoccupation générale de sens et de valeur personnelle (« être » ou « en être »).
- La préoccupation concrète de l'accord avec les autres (« paraître »).

Altay Manço 117 tentera de synthétiser les stratégies et postures identitaires des personnes issues de l'immigration selon un modèle croisant deux axes (axe de l'acculturation et axe de la personnalisation) donnant au final quatre combinaisons possibles ( voir tableau suivant ) :

- Les postures d'assimilation conformante (cohérence simple.)
- Les postures de différenciation conformante (cohérence simple.)
- Les stratégies d'assimilation individuante (cohérence complexe.)
- Les stratégies de différenciation individuante (cohérence complexe.)

 

Les postures d'assimilation conformante :
Les postures de différenciation conformante :
Les stratégies d'assimilation individuante :
Les stratégies de différenciation individuante :
Il s'agit d'une tentative « souvent individuelle de similarisation avec le système socioculturel dominant » qui correspond à une sur-valorisation de la fonction pragmatique. Cette posture résulte de la prise en compte et de l'acceptation du conflit culturel entre la culture de la société d'installation et celle du « groupe migrant » et de la prise en compte de la situation défavorisée de ce dernier, l'abandon « par dépit » de la culture d'origine apparaissant comme inéluctable. Il s'agit selon Altay Manço d'une démarche d'hyper-adaptation, « l'intériorisation des éléments qui font l'identité du groupe convoité est tactique, mimétique et non-critique. » Il en résulte que la tentative d'assimilation n'est jamais totalement effective : « On constate plutôt une juxtaposition superficielle entre, d'une part, l'identité du groupe convoité stéréotypée, parfois mal assimilée (« face publique », image de soi, « le paraître ») et d'autre part, l'identité du groupe d'origine (« face cachée », image pour soi, «l'être »).»
Il s'agit d'une posture souvent collective de conservation des normes et valeurs de la culture du groupe d'origine qui met en avant une sur-valorisation de la fonction ontologique. Le groupe, en réaction à l'exclusion sociale vécue, rend ostentatoire tout indice de différence ethnique ou culturel par rapport à la société d'accueil. « En fortifiant de la sorte leurs défenses culturelles, les familles et les collectivités issues de l'immigration, essentiellement mobilisées par une certaine idée de leur passé, évitent sans doute la déculturation. » Mais cette posture implique une idéalisation et une réification de la culture d'origine qui selon Beauchesne (1989) abouti à une « identité de principe.»

« Une stratégie de type assimilation-individualisation est un ensemble complexe de manœuvres identitaires tâchant de manière prioritaire de répondre aux exigences de l'assimilation «pragmatique » dans le pays d'installation, sans négliger l'intérêt de la conservation « ontologique » de la culture familiale (assimilation qualifiante).» Il s'agit en fait d'une forme de gestion des similitudes culturelles « à visée participative », de recherche de dénominateurs communs entre les deux cultures, de similitudes, mêmes partielles, qui peut se matérialiser dans l'appartenance fédératrice à des sous-ensembles identitaires communs aux deux groupes en présence (classe d'âge, activité professionnelle ou de loisir,…).

Il s'agit de stratégies « rationnelles et offensives » ayant pour but l'approfondissement de l'articulation entre les expressions culturelles en présence. Il n'est pas ici question de « conservation frileuse de la culture d'origine » mais d'une ouverture vers une troisième voix, une forme de synthèse entre les deux cultures qui revendique la création d'une « ethnicité spécifique » valorisée dans le pays d'accueil. S. Abou (1981) parle pour décrire ce genre de stratégie de « prolifération culturelle », de la création d'une expression culturelle « originale, sans que les expressions originelles ne soient disparues

Source : D'après Altay Manço, Intégration et identité : Stratégies et positions des jeunes issus de l'immigration , De Boeck & Larcier, 1999.

De nombreux facteurs vont intervenir dans le choix des stratégies et des postures identitaires. Ainsi, la situation socio-économique du groupe avant son émigration, les causes de la migration (économiques ou politiques), les relations avec le pays d'origine mais également le sexe des sujets, la connaissance et la position de la culture d'origine, la composition de la structure familiale et/ou communautaire (…) vont jouer un rôle déterminant dans la mise ne place des stratégies identitaires.

Camilleri et Vinsonneau 118 affirment que la société d'accueil exerce une influence considérable, voir essentielle, sur les choix identitaires, plus ou moins conscients, des groupes minoritaires issus de l'immigration.

Altay Manço 119 met en avant plusieurs facteurs inhérents à la société d'accueil et à son rapport avec la culture et le pays d'origine des migrants et de leurs descendants qui ont une emprise sur la détermination des stratégies identitaires.

Il se propose de considérer si :

- La société d'accueil favorise ou non l'assimilation et si elle met en avant des outils pour permettre aux migrants de s'approprier ses valeurs et le mode de vie.
- La société d'accueil offre des opportunités d'installation et de mobilité sociale et si la situation économique et politique de cette dernière leur est favorable.
- Il n'y a pas trop d'inégalités entre les personnes d'origine étrangère et les indigènes.
- La nature des contacts entre ces populations était bonne avant l'immigration (colonisation, conflits, coopération économique, soutien politique) .
- Le contact de culture s'effectue dans une situation biculturelle ou pluriculturelle.
- Il s'interroge également sur « la teneur de l'image renvoyée aux immigrants par la société d'accueil 120 . »

Notes:

112 Hanna Maleswska-Peyre, L'identité comme stratégie , in Pluralité des cultures et dynamiques identitaires , op. cité, 2000.
113 Acculturation : « Ensemble des phénomènes qui résulte du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes avec les changements subséquents de l'un ou des groupes » (Redfield, Linton et Herskovits, Memorendum , 1938). Ces phénomènes comprennent « les changements psychologiques » des individus impliqués dans de telles situations de contact (Berry, Acculturation et identité in Pluralité des cultures et dynamiques identitaires : Hommage à Carmel Camilleri , op. cité. Nous lui préfèreront la notion d'interculturation (Vinsonneau, 2002), plus dynamique.
114 Carmel Camilleri, Sciences Humaines , numéro 15, Hors-série, décembre 96-janvier 97.
115 Hanna Malewska-Peyre, L'identité comme stratégie in Pluralité des cultures et dynamiques identitaires : Hommage à Carmel Camilleri , op. cité. 116 Altay Manço, Intégration et identité : Stratégies et positions des jeunes issus de l'immigration , De Boeck & Larcier, 1999.
117 Idem. 118 Camilleri C. et Vinsonneau G., Psychologie et cultures, concepts et méthodes , Paris, Armand Colin, 1996.
119 Altay Manço, op. cité.
120 Idem.

Bibliographie

 


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